Jean-Luc
Décompte des côtes et des cols : mes moutons à sauter et additionner pour dormir d’un sommeil solide !?!
La volonté il en fallait pour affronter le retour dans la petite maison au fond de la cour. Où mettre le vélo au rencard. Enfermé dans son placard. Aire confinée. Vie médiocre. A l’opposé de « l’hôtel du Midi » en Ubaye où j’avais trouvé un havre. Une imagerie gardée sous-verre, indélébile, à la Robert Doisneau. On croyait le temps arrêté au temps des duels cyclistes Anquetil et Poulidor. Le soir pour éteindre, je tire la bobinette comme dans la chambre glaciale où l’on dormait avec mon frère quand nous étions enfants chez les grands-parents en Picardie.
Rentrer sera longtemps une foutue épreuve de force. Malgré les apparences tout oppose parcourir, comme un marin solitaire, les confins du Puy-de-Dôme et du Cantal, au milieu de nulle part au-delà de Compains dont la plaque votive dans la petite église affiche plus de morts pour la France en 14-18 qu’aujourd’hui de résidents à l’année… à la vie confinée dans la petite maison… puis l’appartement tourné plein nord.
Je découvrais surpris et enchanté qu’être le seul client dans un hôtel n’était pas la solitude de chez moi. Dans cette première quinzaine de juillet, devant les prévisions météo catastrophistes les clients potentiels avaient décliné leur réservation. Au « Pont du Roy » à Besse en Chandesse, comme dans un « Singe en Hiver » je dinais chaque soir à la table du vieux couple de propriétaires. Lui avait vécu en mai 40 l’échappée in-extremis vers l’Angleterre depuis la plage de Bray-Dunes. Une mémoire extraordinaire ! Il se souvenait de tous les vainqueurs du Tour de France depuis les origines. Par la grâce de cette rencontre, je découvris tour à tour dans leur belle salle à manger du dimanche en présence de quelques convives locaux, l’aligot accompagné d’une entrecôte de Salers et d’une salade du jardin. Et enfin, l’élixir de longue vie : une verveine titrant 60 degrés !
J’avais eu droit à la plus belle chambre, lavabo et bidet, fenêtre ouverte sur le cours d’eau dévalant qui au réveil infusait sans doute la mécanique des fluides qui me bougerait une partie de la journée vers les cols de la Croix Morand et de la Croix Saint Robert, le Mont-Dore, le Rocher de l’aigle, Rochefort Montagne jusqu’au lointain col de la Ventouse à proximité du Puy-de-Dôme… Sur ces routes graveleuses qui serpentent parmi des tourbières où miroitent des chapelets de nuages qui s’enroulent autour de la cime du Sancy. Retour au pays de l’enfance avant d’y revenir cette fois accompagné de mes enfants. Un trait d’union qui aura pour nom ce fichu chanteur auvergnat que fut Jean-Louis Murat. C’est lui qui aura soudé le pays de mon enfance et ses descentes en luge l’hiver dans les neiges de Super Besse à l’enfance de Valentin et Damaris que je menais à Douharesse où résidait JLM. Juste avant le sommet du col du Guery et sa descente rapide vers la basilique romane d’Orcival.
C’était là le début d’un siècle plein de tourments et dont je tentais de me sauver à vélo. Je me souviens aussi du public se sauvant, indisposé par les riffs chargés d’électricité, quittant la salle du Splendid à Lille en 2003, pendant les 12mn et 28sec des « Jours du Jaguar » rallongé et poussé à bloc !
Mais ne vaudrait-il pas mieux penser qu’il y a seulement 4 mois à peine sorti de pneumonie, je parvenais à peine à me lever, à marcher, à respirer normalement… Un retour de plus.
Jean-Luc
'Le pastrassou dien sa tsabano' de Joseph Canteloube (1879 -1957) par Jean-Louis Murat
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